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LES PARLEMENTS EN EUROPE :

ETAT DES LIEUX

A chaque élection présidentielle, des candidats évoquent une révision du nombre de parlementaires en France. Le propos ici n’est pas de dire s’ils ont raison ou tort. Il s’agit seulement de comparer notre situation à celle de voisins européens souvent pris en référence. Pour ce faire, examinons les Parlements des pays les plus peuplés : Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni. Chacun de ces États fonctionne en bicamérisme, les deux chambres ayant toutefois des rôles et responsabilités différents selon les institutions nationales.

L’Allemagne 

Les députés du Bundestag ont pour missions essentielles le vote des lois et le contrôle du travail gouvernemental. Les députés adoptent aussi le budget fédéral et décident des interventions de la Bundeswehr à l’étranger. L’élection du chancelier ou de la chancelière constitue une autre attribution majeure du Bundestag.

Le Bundesrat se compose de membres des gouvernements des Länder (les régions), qui les nomment et les révoquent, avec un mandat impératif pour représenter la position de ceux-ci. Le Bundesrat ne peut être dissout et ne peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement. Il est consulté sur toutes les lois examinées par le Bundestag. Il dispose d’un veto suspensif dans tous les domaines de compétence des Länder, mais le Bundestag peut passer outre après une procédure de conciliation.

L’Allemagne compte 82 millions d’habitants représentés par 630 députés au Bundestag  et par 69 au Bundesrat qui sont directement issus des Länder. Soit un total de 699 parlementaires avec un ratio d’un parlementaire pour 117 310 habitants.

L’Espagne

Le Parlement du Royaume d’Espagne (Cortes Generales) est constitué du Congrès des députés  (Congreso de los Diputados) d’une part et du Sénat (Senado) d’autre part. Ces deux chambres sont investies du pouvoir législatif, de l’approbation du budget et du contrôle du travail gouvernemental.

Sans entrer dans le détail des responsabilités respectives des deux chambres, on peut résumer que, dans l’adoption des lois et après de possibles navettes entre ces deux chambres, le Congrès des députés a le dernier mot.

L’Espagne compte 46 millions d’habitants représentés par 350 députés et 266 sénateurs. Soit un total de 616 parlementaires avec un ratio d’un parlementaire pour 74 675 habitants.

La France

Il est superflu de détailler le fonctionnement du Parlement français constitué, à l’instar des États examinés ici, de deux chambres. Ce qui distingue la France est que là où les autres pays se caractérisent par des régimes parlementaires, le système français est marqué par la prééminence du président de la République. Ce dernier bénéficie notamment d’une immunité quasi-totale là où, chez nos voisins, les chefs de gouvernement peuvent être débarqués par leur Parlement. On peut en outre noter, sous réserve de plus grand inventaire, qu’en France il est possible de légiférer par ordonnance ou encore par l’entremise du 49-3, deux procédures qui évitent tout débat au Parlement. Il y a donc une extrême concentration du pouvoir par rapport au fonctionnement des autres démocraties parlementaires européennes examinées ici.

La France compte 66 millions d’habitants représentés par 577 députés et 348 sénateurs. Soit un total de 925 parlementaires avec un ratio d’un parlementaire pour 71 351 habitants.

L’Italie

Le Parlement italien s’appuie sur un bicamérisme paritaire, c’est-à-dire à pouvoirs égaux, cas unique dans les démocraties européennes. Les deux assemblées sont élues au suffrage universel direct pour cinq ans. La Chambre des députés (Camera dei deputati) se compose de 630 membres et le Sénat (Senato della Repubblica) de 319.

Elles élisent le chef de l’État, votent la loi et contrôlent l’activité du gouvernement. L’équilibre du régime est tributaire de la solidité de la majorité parlementaire, fondée sur des coalitions souvent fragiles. Le pays a ainsi connu de nombreuses phases de forte instabilité gouvernementale. Des corrections ont toutefois été apportées par une réforme du mode de scrutin qui reste très complexe mais aussi par un vaste processus de décentralisation réduisant les domaines dans lesquels intervient le Parlement national.

L’Italie compte 60 millions d’habitants représentés par 630 députés et 315 sénateurs. Soit un total de 945 parlementaires avec un ratio d’un parlementaire pour 63 492 habitants.

Le Royaume-Uni

Le Parlement britannique est régi par des conventions constitutionnelles coutumières et non par une constitution écrite. Il s’appuie sur un bicamérisme fortement inégalitaire marqué par la prédominance de la Chambre des Communes (House of Commons). Celle-ci contrôle l’activité du Gouvernement et vote la loi. Elle contrôle également les impôts et le budget. La Chambre des Communes peut renverser le Gouvernement et être dissoute par la Reine sur demande du Premier ministre.

La Chambre des Lords (House of Lords) a le droit d’amendement, mais la Chambre des Communes a le dernier mot, la navette entre les deux chambres ne pouvant se poursuivre au-delà du délai d’un an. Les Lords ne disposent pas du pouvoir de renverser le Gouvernement, mais procèdent aux auditions des ministres en commission. La composition de la Chambre des Lords est en cours de refonte. Les Lords héréditaires vont peu à peu perdre leur droit de siéger et ne pourront plus transmettre leur charge. Cette chambre compte aujourd’hui environ 730 membres dont près d’une centaine de Lords héréditaires.

Le Royaume-Uni compte 65 millions d’habitants représentés par 650 députés et 730 membres de la Chambre des Lords (ils étaient 1300 en 1999). Soit un total de 1380 parlementaires avec un ratio d’un parlementaire pour 47 100 habitants. Si on ne tient compte que des 650 députés, ce ratio est de 100 000.

Cet examen relatif aux 5 pays les plus peuplés de l’Union européenne n’est qu’une photographie. Elle a pour seul avantage la comparaison d’une petite partie du fonctionnement de nos institutions à savoir la composition de ces Parlements nationaux. Les modes de scrutin mériteraient une autre analyse car ils sous-tendent souvent soit le recours aux coalitions soit le clivage classique gauche/droite qui constituent une marque de fabrique démocratique qui irrigue au-delà le quotidien des citoyens comme par exemple le modèle social. Ce qui est notable, c’est le bicamérisme commun à chacun des pays étudiés même s’il est plus ou moins égalitaire comme on a pu le voir.

Puisque nous parlons d’Europe restons-y. Les directives adoptées conjointement par le Conseil européen (représentants des Etats membres) et le Parlement européen doivent être transposées dans le droit national de chacun des pays par leur Parlement respectif. Et malheureusement le France ne brille guère dans cet exercice quand on se réfère au tableau de bord (*) de la Commission européenne chargée de suivre ces transpositions. En matière de déficit de transposition, la France a ce mauvais classement de 23ième sur les 28 Etats membres que compte l’Union européenne. Sur les progrès réalisés en 2015 en matière de transposition, notre pays est à l’avant-dernière place. En matière de délai de transposition, on écope de la 24ième place. Concernant les directives mal transposées, c’est la 20ième place qui nous échoit. La France, pourtant pays fondateur de l’Union européenne, est incontestablement parmi les mauvais élèves de la classe. Mais pourquoi nos institutions sont-elles à ce point défaillant ? On ne peut ici s’empêcher de reproduire un extrait d’une fiche (**) de l’Assemblée nationale : « Le respect de ce délai de transposition est fondamental car la construction européenne repose sur la confiance mutuelle entre les États membres. De plus, dans le domaine du marché intérieur qui est celui donnant lieu à l’adoption du plus grand nombre de directives, tout retard est susceptible de fausser la concurrence ou de restreindre les avantages attendus d’une harmonisation communautaire ».

Jean-Paul Méheust