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LES VICTOIRES DU MARDI-GRAS

Ar c’hranck-siliou bihan (la petite étrille en breton) s’est éveillée à la politique grâce à une proche cousine. Elle l’avait suivie lors des dernières municipales. Depuis elle en pince pour la politique. Ses copines trouvent que ar c’hrank-siliou bihan ça fait snob. Et pour la faire bisquer, elles l’appellent ar bihan (la petite). Mais Ar Bihan est très zen. Qualité aussi rare qu’exceptionnelle chez ce type de crabe à la vivacité légendaire.

Le grand théâtre sous-marin de la cale de Conleau. Grand rendez-vous annuel des Victoires du Mardi-Gras placé sous la présidence de la petite étrille, Ar Bihan. Beaucoup de nominés pour ce couronnement du spectacle vivant. Ils font certes sourire l’assistance des étrilles mais ne soulèvent pas l’enthousiasme. Trop classique. Boas phosphorescents, lunettes prétendument excentriques, queue de pie dans laquelle une pauvre étrille se prend les pinces et se vautre sur la scène, maquillages outranciers, tatouages sans imagination du genre « A maman étrille pour la vie » ou « oh, toi ! au court-bouillon ».

 

Trois spectacles sont néanmoins sélectionnés pour la grande finale des Victoires du Mardi-Gras:

- Un groupe d’étrilles de Sarzeau montées sur d’étranges machines à pédales et vêtues de maillots multicolores vantant des marques commerciales bien connues. Même une spécialisée dans la mayonnaise ce qui fait réagir différemment le public. Du type choqué « ça se fait pas ! » pour les vielles étrilles. Mais franche rigolade des plus jeunes qui y voit l’esprit Charlie Hebdo. Belle ovation toutefois. La présidente demande aux étrilles sarzeautines de rejoindre leur place dans l’attente de la décision du jury. Mais non elles s’en vont car elles ont un rendez-vous aux antipodes qu’elles ne peuvent reporter. Huées du public. La présidente, usant d’un pouvoir discrétionnaire qu’elle n’a pas, décide de les disqualifier sous réserve de l’appréciation souveraine du jury. Battements de pinces à tout rompre de l’assistance.

- Puis se présente une étrille vannetaise. Plutôt grande avec un foulard bleu façon baroudeur habitué du fameux raidMairie/La Gare. Le teint un peu marqué comme si l’étrille était déjà cuite. Déguisement bien sûr. L’étrille se lance dans une histoire totalement rocambolesque où il est question d’un tunnel sous-marin réservé aux seules étrilles mais où il n’y a pas une goutte d’eau. Le public est conquis par ce conte aussi drolatique qu’absurde.

- Et arrive une étrille, ponte du département. Allure sobre, tenue noire, petites lunettes inquisitrices, tonsure bien entretenue au point d’en paraître naturelle. Sur le ton d’un prédicateur, il se lance dans un long monologue contre la justice de son pays. Dès l’introduction il lance « cette intrusion de la justice dans le domaine politique pose un vrai problème institutionnel ». Damned comme on dit dans les BD, il parle de la pénélopegate. Et de poursuivre : « les juges aujourd'hui s'arroge[nt] le droit de faire ou de défaire un Président de la République ». Puis long développement avant de conclure : « il est vrai que certains magistrats, en particulier les représentants du syndicat de la magistrature, ont un comportement et tiennent des propos qui font douter de l'existence chez eux de la moindre éthique professionnelle ». En matière d’éthique, ces juges auraient dû préalablement consulter cet éminent spécialiste du népotisme. Alors maire de Vannes, n’avait-il pas pris comme directeur de cabinet son fiston Jean-Baptiste ? Député, le même fiston n'était-il-pas son assistant parlementaire ? Défait aux législatives il rebondit au département et en devient le président. Pour occuper le fiston, ne le nomme-t-on pas aligneur en chef des menhirs à Carnac par la création d’une association loi 1901 subventionnée devinez par qui : le département. Le grand théâtre sous-marin de Conleau applaudit à tout rompre pour saluer l’histoire abracadabrantesque qui vient de lui être comptée et le talent, l’immense talent tartuffien de l’acteur.

 

Intervient la remise des prix des Victoires du Mardi-Gras :

- le bronze aux cyclistes sarzeautines avec un bidon d’huile pour graisser leur chaîne car ça grinçait fort à leur départ,

- l’argent pour l’étrille vannetaise avec un bon de nettoyage pour son foulard de baroudeur plus un seau en inox pour alimenter en eau le tunnel sous-marin en attendant que Vinci corrige la situation,

- l’or pour le ponte du département avec un voyage en bus à Sablé sur Sarthe. Seulement l’aller a décidé le jury à l’unanimité.